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J’ai claqué la porte à mon PO – Quitter l’enseignement en Belgique

J’ai claqué la porte à mon PO – Quitter l’enseignement en Belgique

Ce texte est la suite directe de mon article sur le statut des enseignants.
J’y racontais les dessous d’un système usé, les incertitudes, les postes éclatés.
Vendredi dernier, ce système m’a littéralement explosé au visage.
Alors aujourd’hui, je vous raconte. Sans filtre. Avec le cœur qui tremble encore.

→  Retrouvez ici le premier article : “Le vrai visage du statut des enseignants”


Vendredi, j’ai claqué la porte à mon PO.
Littéralement.
Et depuis, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps.

Ce n’était pas un coup de tête. Ce n’était pas une crise d’égo.
C’était le trop-plein.
Le point de rupture après des mois, des années de frustrations, de peur, de déception, de fatigue nerveuse.

J’en avais parlé un peu sur Instagram, juste quelques mots. Parce qu’à ce moment-là, j’étais incapable d’en dire plus sans que ma voix tremble, sans que mes yeux se remplissent à nouveau.
Aujourd’hui, les larmes sont encore là, mais j’ai besoin d’écrire.
Parce qu’écrire, c’est ma manière à moi d’essayer de comprendre, de poser, de respirer un peu au milieu du chaos.

Ce que les gens voient… et ce qu’ils ne voient pas

Sur les réseaux ou dans la vraie vie, on me dit parfois :
“Mais tu râlais parce que tu n’avais rien, et maintenant qu’on te propose un poste, tu refuses ?”
Et franchement… cette phrase, elle fait mal.

Parce qu’on voit la proposition, mais pas tout ce qu’il y a derrière.
On voit la façade, pas les murs fissurés.
Les “propositions” qu’on reçoit dans l’enseignement, ce sont souvent des miettes déguisées en opportunités :
des bouts de postes à droite à gauche,
plusieurs écoles à jongler,
des remplacements sans fin,
des classes qu’on reprend au pied levé, sans transition, sans préparation.

Et quand tu arrives, tu n’es jamais “chez toi”.
Tu débarques dans la classe de quelqu’un d’autre, avec ses affaires, sa déco, ses méthodes, ses élèves, ses habitudes.
Tu fais de ton mieux, mais tu te sens en permanence tolérée, pas à ta place.
Tu donnes ton énergie, ton cœur, ton temps, et pourtant, tu n’es qu’un pion sur un échiquier qu’on déplace sans te demander ton avis.

Le poids invisible

Ce que les gens ne voient pas, c’est la boule au ventre du matin.
Celle qui t’accompagne dès que tu ouvres ta boîte mail ou que ton téléphone sonne.
“Quelle école demain ? Quelle direction va encore décider de ton sort ?” « Aurais-je un job cette semaine ? » « Comment je vais faire sans revenu ? » « Je vais encore une fois ne pas être payée à temps! », etc.
Tu fais ton métier avec passion, mais le système t’épuise.

Tu n’as plus de repères. Tu ne sais jamais où tu seras la semaine suivante. Tu refais ta rentrée dix fois par an. Tu réapprends des prénoms, des habitudes, des collègues, des directions.
Tu t’adaptes, tu souris, tu tiens… mais à l’intérieur, tu t’effondres un peu à chaque fois.

Et puis il y a ce sentiment d’être interchangeable, comme si rien de ce que tu faisais n’avait vraiment de valeur.
On te rappelle que tu n’es qu’un numéro.
Qu’on te “replace”, qu’on t’appelle seulement quand ça leur chante, qu’on “gère ton dossier”, que ce n’est pas toujours « juste »
Mais toi, tu n’es pas un dossier. Tu es une personne.

Le jour où j’ai dit stop

Vendredi, j’ai craqué.
J’ai dit non.
Pas par caprice. Par survie.

Je me suis retrouvée face à une énième situation injuste, absurde, humiliante.
Encore un poste “à prendre ou à laisser”, sur un coup de fil de moins d’une minute qui ne te laisse même pas le temps de réfléchir, de savoir quoi répondre. « A partir de lundi tu vas là et là. X périodes par là X périodes par ci, on t’attend lundi, salut ! » heuuuuuuuuu ok mais ??? Tu comprends le truc ? On ne t’appelle pas pendant des semaines, puis tu fais quelques jours par ci par là. ensuite le fameux comptage du 1er octobre (une aberration). tu es à nouveau sans nouvelle, à attendre sans savoir si on te proposera quoi que ce soit, s’il faut que tu ailles voir ailleurs … rien… et puis tu reçois ce genre de coup de fil. A aucun moment tu n’es pris en considération.

C’est mal foutu, sans sens, sans stabilité.
Et ce jour-là, j’ai senti que si j’acceptais encore, je me perdrais complètement. Alors j’ai tenté le dialogue, j’ai tenté d’expliquer que c’était limite comme façon de faire, que je ne comprenais vraiment pas. Puis j’ai voulu me faire passer un peu en première et j’ai expliqué que sans titulariat dans une classe à moi, je préférais prendre un temps partiel pour me concentrer sur une reconversion pro. Et là… tout est parti en cacahuète. On te prend de haut, on te répond mal, on remet tout sur toi et on ne veut rien entendre.
Alors après quelques échanges, j’ai claqué la porte. J’ai dit qu’ils pouvaient rayer mon nom du PO.

J’ai fini en larmes, vidée, tremblante de partout et encore une fois je me suis dit que ce n’était pas possible de se mettre dans un tel état pour un job, pour des gens pour qui tu n’es qu’un pion !

En quelques secondes je me suis demandée si je n’avais pas fait la plus grosse connerie de toute ma vie. Parce que, ce job je l’adore pourtant. Ma classe, ça reste mon rêve !
Mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai eu le sentiment de reprendre un peu de pouvoir sur ma vie.
De dire : “Stop. Assez.”

Et puis je me suis dit que pour accepter « de la merde », je pouvais le faire partout. Même dans un autre PO ou je repars à 0. Donc, ce n’était pas une grosse connerie. C’était ce qu’il fallait faire.

Ce que ça laisse derrière

Un weekend plus tard, je me sens à la fois légère et brisée.
Légère, parce que j’ai osé poser une limite.
Brisée, parce que je n’ai jamais voulu en arriver là.

J’aime enseigner. J’aime les enfants. J’aime les voir comprendre, s’épanouir, rire, apprendre, grandir.
Mais ce système… il tue cette flamme. Il broie les plus investis, les plus sensibles, les plus humains.

J’ai longtemps cru qu’il fallait tenir, coûte que coûte.
Qu’il fallait être forte, montrer que j’étais capable.
Mais être forte, ce n’est pas tout supporter.
Parfois, être forte, c’est savoir partir.

Et maintenant ?

Je ne sais pas encore exactement de quoi sera faite la suite.
Mais je sais que j’ai besoin d’autre chose.
De retrouver du sens, de la douceur, de la bienveillance.

Peut-être dans une autre forme d’accompagnement, peut-être ailleurs, peut-être autrement.
Mais plus dans un système où la peur et l’instabilité remplacent le respect.

Je ne quitte pas les enfants.
Je quitte une manière de faire qui me détruit.

Je me lance dans d’autres projets. Je vais tâter, je vais essayer mais je vais surtout tenter de retrouver une paix intérieure.

La difficulté maintenant c’est que pour me lancer dans tout ce que j’ai en tête et pour ma casquette de coach kids chez Fitmum, j’ai dû prendre le statut d’indépendante complémentaire. Et ce statut oblige de travailler minimum à mi-temps. Il me faut donc trouver un job d’ici le 15 mais ça va le faire. J’ai passé du temps à rédiger et envoyer plusieurs CV, j’ai quelques propositions sous le bras. Il me reste à attendre quelques réponses et faire un choix. Mais ce ne sera qu’un temps partiel pour me laisser tout le temps possible pour décoller !

Je ne suis pas seule dans cette situation. En Belgique, l’UFAPEC signale que dans la capitale, près de 44 % des enseignants du fondamental ordinaire abandonnent leur métier au bout de 5 ans. Une réalité qui dépasse largement mon histoire personnelle.
Lire l’article UFAPEC : « Jeune enseignant : pourquoi tu pars ?

À ceux qui vivent la même chose

Si tu lis ces lignes et que tu te reconnais, sache que tu n’es pas seul(e).
Tu as le droit d’être fatigué(e).
Tu as le droit d’avoir peur.
Tu as le droit de dire stop.

On ne parle pas assez de cette souffrance invisible, de ces vocations qui s’éteignent à force d’être malmenées.
Mais elle existe.
Et elle mérite d’être entendue.

Alors si toi aussi tu ressens cette boule au ventre, cette impression d’être un pion, sache qu’un jour, tu auras le droit de dire non.
Pas par faiblesse.
Mais parce que ta santé, ta paix intérieure et ton équilibre valent plus que n’importe quel poste.


💛 Merci à tous ceux qui ont pris le temps de m’écrire, de m’écouter, de me soutenir. Vos mots m’ont aidée à tenir debout. Ce texte, c’est un peu ma manière à moi de leur rendre hommage, et de dire haut et fort : il est temps de changer les choses.

Merci d’avoir pris le temps de me lire, de comprendre, de ressentir avec moi.
Derrière chaque enseignant, il y a un être humain, un cœur, des rêves et des limites.
Si mes mots résonnent un peu en toi, n’hésite pas à les partager, à les faire vivre.
Parce que c’est ensemble, en parlant, en osant dire, qu’on fera bouger les choses. 💛

— Laurie 🌻 NumsFamily

A propos de l'auteur

Laurie_Numsfamily

Laurie, celle qui se reconstruit !

1 commentaire

  1. Nausikaa

    En même temps, avec la fin des nominations, on s’en fiche du nombre de jours dans le PO…peut être regarder dans des écoles alternatives (parfois privées…).
    Eux diront de toute façon les statuts c’est les statuts, l’humain a de moins en moins sa place (car ça coûte l’humain et au gouvernement seuls les chiffres comptent).
    Peu importe ce que tu feras, je te souhaite de le faire avec le cœur

    Réponse

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